Un ami récemment me fit partager son expérience du confinement en la résumant par cette courte phrase : «Tout apprentissage est un temps de clôture».
Puis il ajouta, « Dans les monastères et les couvents, la séparation est consentie.
Tous les rythmes temporels choisis, travail, contemplation, repas, cérémonies, etc…. Sont situés à l’intérieur des murs et cependant, tous nous relient ».
Cette courte phrase extraite d’un ouvrage de Rainer Maria Rilke « Lettre à un jeune poète », fit écho en moi à une étape fondamentale du Yoga que l’on nomme « Pratyahara ».
Ce mot en Sanskrit signifie : retraite, ou encore retrait des sens.
« Le sage qui, à l’image de la tortue ramenant ses membres sous elle, retire ses sens de leur objet, est fermement établi dans la sagesse ». (Bhagavad Gita-Chap. 2-58)
Pratyahara est le 5e membre du Yoga. Il approfondit les quatre premières étapes de l’apprentissage, au cours desquelles, captés par l’apparence, nos efforts et notre volonté dominent la pratique.
Comme tout apprentissage, le Yoga nécessite en dehors des enseignements collectifs, une pratique personnelle régulière et assidue et donc un temps de clôture.
Seul sur notre tapis, nous n’avons pas d’autre alternative, pour échapper à une répétition mécanique, stérile et ennuyeuse, que celle de nous laisser enseigner par la posture.
La posture n’est plus un modèle à suivre mais devient un cadre à explorer.
Notre perception s’éveille à la vie de nos rythmes internes et à leur variabilité, induisant une adaptation permanente de nos gestes et de leurs possibilités.
Cette écoute attentive et sereine rompt avec la répétition des coordinations acquises, en introduisant un potentiel de variation et d’évolution dans notre schéma corporel.
Si l’attention dynamique peut saisir et être saisie par cette tendance au mouvement, c’est dans un présent épais, où s’insèrent à travers le mouvement, des délais et des inhibitions, des inflexions et des transformations, écarts entre les lignes mêlant perception et action, activité et passivité en même temps… L’habitude n’est plus là ni pour être purement répétée, ni pour être totalement annulée mais pour varier et se développer ».
Isabelle Ginot- « Penser les somatiques avec Feldenkrais », (Éditions l’Entretemps- lignes du corps).
Dans les techniques somatiques comme dans le yoga, les perceptions internes du corps sont sources de transformations pour le sujet.
Toutefois le yoga, pour lequel le souffle est le principe essentiel à partir duquel s’organise tout être vivant, requière pour le pratiquant une attitude particulière. C’est dans la justesse de la relation qu’il entretient avec le souffle que se dévoile l’Atman (le vrai soi).
Cette relation est un long cheminement fait de consentements et de renoncements.
Il y a dans cette présence au souffle quelque chose de l’ordre de l’accueil, de l’hospitalité.
C’est précisément dans cet acte d’hospitalité que le Yoga rejoint la Fasciathérapeute.
« J’en arrive parfois à me demander, en lisant les écritures, si l’existence corporelle de l’homme, au lieu de signifier les limites de sa condition de créature, n’est pas l’élévation même d’une réalité qui se détache dans l’homme seulement, de son existence pour soi et en soi, et entre dans l’ordre supérieur du donner, plus haute que les beaux sentiments. « Vous ne viendrez pas vous présenter à Moi les mains vides… », disent et répètent les versets de l’Écriture ».
« L’éthique est transcendance. Entretiens avec le philosophe Emmanuel Levinas » in Emmanuel Hirsch (dir.), Médecine et éthique, paris, les Éditions du cerf, coll. »Recherches morales. Documents », 1990, p.42