Dans cette période de crise où nous vivons les effets d’un individualisme exacerbé, ne sommes- nous pas en droit de nous interroger sur les progrès accomplis par l’humanité ?
L’histoire de la connaissance de soi par les êtres humains est loin d’être encore pleinement explorée. Ce domaine qui a longtemps été réservé à la philosophie fait aujourd’hui l’objet d’investigations approfondies. Plusieurs disciplines comme : l’intelligence artificielle, la linguistique, les neurosciences, la psychologie, l’anthropologie ou la philosophie de l’esprit se sont regroupées de façon assez lâche pour donner naissance à ce que l’on appelle les sciences cognitives. Il faut dire que grâce aux avancées technologiques, l’exploration scientifique de l’esprit procure un miroir sans précédent.
Nous sommes désormais bien loin de la vision métaphorique représentant des petits personnages qui à l’intérieur de notre cerveau envoient et reçoivent des messages, obéissent et offrent leur service. Nous savons aujourd’hui qu’en réalité, le cerveau fonctionne de façon très fragmentée. Il est organisé en sous-systèmes considérés comme de simples pièces non conscientes de la machine organique aussi dénuées de point de vue ou de vie intérieure que n’importe quel autre organe de notre corps. Au coeur de ces sous-systèmes (les aires cérébrales) se déchaîne une tempête d’activité de laquelle émergent, la cognition et la conscience.
Nous associons spontanément la cognition et la conscience, les cognitivistes pourtant révolutionnent cette conception en délimitant le domaine de la cognition et le rapport conscient -inconscient. Pour eux, la cognition est constituée par l’ensemble des systèmes qui comporte un niveau de représentation distinct, même s’ils ne sont pas nécessairement conscients. En effet, la vitesse de ces processus les rend pour la plupart, inaccessibles à notre perception. En bref, la cognition peut se dérouler sans le soi !
À partir d’un certain seuil pourtant, les résultats de ces computations affleurent à notre conscience comme si tout à coup, quelque chose surgissait, venu de nulle part.
Dans ces processus très complexes, il y a deux éléments qui m’interpellent :
– D’une part, le contact entre les sens et les objets crée une relation sensorielle qui aboutit à un moment donné à une émergence. Ce qui implique que c’est seulement de ce mouvement de dialectique que peut naître la conscience.
– D’autre part de multiples exemples nous démontrent que l’on peut faire évoluer ce seuil de perception. Qu’il s’agisse de domaines artistiques comme la musique et la peinture ou de thérapies manuelles comme la fasciathérapie ou l’ostéopathie, toutes ces disciplines demandent un développement de la sensibilité sensorielle qui affine et abaisse le seuil de perception.
Cet état d’écoute et de vigilance est entre parenthèse, également la base de toute pratique de Yoga ou de méditation.
Arrivée à ce point de mon discours, je voudrais citer le mathématicien français Jean-Paul Delahaye, selon lui, il existe deux types d’émergence :
– Une émergence triviale, pas très novatrice, dans ce cas, le chaos s’efface, mais laisse place à une structure répétitrice et pauvre.
– Une émergence innovatrice qui elle est une création. Ce type d’émergence constitue un mystère et défie les sciences de la complexité.
Fonctionner ou créer, c’est toute la question…
Qu’en pensez-vous, n’est-ce pas un sujet d’actualité ?